Voici la suite du feuilleton, le violon d'Olivier avance bien, sans gros soucis pour l'instant.

Le deuxième rognage permet d'approcher au plus près la forme de la voute. Tout autour, je délimite une bande de 5 mm à ne pas toucher. Les bords sont presque à la bonne dimension, 4,5 mm au lieu de 4, très faibles. Pour ce travail, on commence à la gouge par petits coups successifs puis on continue avec différents rabots de luthiers dont le fond est bombé puisqu'on ne travaille pas sur une surface plane.

La voûte est mise en forme. Pour cela, on dispose de gabarits, mais avec l'habitude, le coup d’œil remplace tous les outils. La voûte du fond est différente de celle de la table: j'en reparlerai plus loin. Ici, nous sommes presque à la côte : 13,5 mm. Je garde toujours 5 dixièmes de millimètres pour le raclage et le ponçage final. Il faut préciser que le travail de l'érable ondé est difficile. Le bois, tantôt debout, tantôt sur couche se coupe mal. Pour ce travail, on utilise des lames dentées qui évite (en principe) d'arracher des éclats de bois au niveau des ondes. Il faut être très vigilant lorsqu'on approche de la côté et surtout utiliser des outils parfaitement aiguisés. Le moindre éclat de bois arraché passant en dessous de la côte et tout le travail est fichu!
A propos de la hauteur des voûtes, il y aurait beaucoup à dire. Les violons tyroliens on des voûtes très hautes, les derniers stradivarius ont au contraire, des voûtes basses (11mm pour le fond). J'ai fait des violons avec des voûtes plus hautes que celui d'Olivier, mais avec le temps, j'ai constaté que des voûtes basses (sans trop) donnent des sons plus clairs, plus en dehors. Ceci seulement dans ma manière de construire. On trouve des violons avec des voûtes hautes qui sonnent très bien. C'est une question d'architecture de l'ensemble.

Le fond est presque terminé. Les bords sont mis à l'épaisseur (plus 5 dixièmes pour le raclage final). Il est temps de creuser la gorge des filets. Sur les violons ordinaires, les filets sont seulement dessinés, sur un violon de luthier ils sont constitués de trois bandes de bois 3/10èmes de millimètre d'ébène - 6/10èmes d'érable - 3/10èmes d'ébène. C'est le seul ornement des instruments du quatuor. Les filets n'ont pas d'importance pour la qualité du son, mais ils participent à la solidité de l'ensemble, en évitant les fentes du bois lors des inévitables chocs. Ceci est surtout vrai pour la table, le fond étant en bois dur et résistant.

Les filets sont collés. Il y aurait beaucoup à dire sur ce travail assez délicat. Sachez seulement que les filets du haut et du bas sont en deux parties (le raccord est invisible), ceci pour permettre d'ajuster au plus près la pointe de chaque côté des C. Les filets filets sont collés avec une colle assez liquide qui en gonflant, gomme les éventuelles petites fautes et irrégularités dans le creusement de la gorge.

La deuxième partie de la confection du fond est terminée. L'intérieur est creusé et le fond mis à la bonne épaisseur qui n'est pas la même partout. Au centre de gravité, l'épaisseur est de 4,5 mm, elle diminue en allant vers le haut et le bas. On prévoit de creuser un peu plus entre les épaules et la partie ventrale, 2,4 mm en haut et 2,6 en bas. Ceci donne une meilleure réponse à l'instrument, une facilité d'émission toujours appréciable. Vous pouvez constater les petits taquets disposés tous les 6 cm sur le joint afin de le consolider. Généralement le collage est suffisant, on peut donc se passer des taquets, mais depuis qu'un de mes violons s'est décollé à cet endroit, je ne fais pas l'impasse de cette opération.

Le fond terminé, il ne reste plus qu'à le coller aux éclisses. Cette opération se fait avec des vis à tabler et doit durer 24 heures.
Pendant ce temps, on va s'occuper du manche.